L’enfance tient à nos os, à nos tissus et à nos fluides. Musique des relations provenant d’un horizon antérieur, toujours là, vivant.
Cette petite cafetière est le seul objet conservé de mes premières années passées dans l’émerveillement d’un paysage banal très loin de la mer.
C’était au temps des papiers peints à rayures verticales.
J’appris à lire avec L’Ile au trésor.
La nuit, avant de m’endormir dans la petite chambre à l’étroit lit de bois noir, il m’arrivait souvent d’entendre l’homme à la jambe de bois.
Je mis longtemps à comprendre que ce bruit sourd et régulier n’était que le battement de mon cœur. J’en fus presque déçu.

L’oreille est coquillage. D’elle vient la rumeur de l’écume.
L’écriture transforme la mémoire en grains de sable afin de ne pas oublier le coupant des silices enfouies et les mensonges de l’encre.
Sur la table en noyer, les trois fruits séchés rythment le pas de celle qui, vue de dos, avance vers le rivage.
L’autoportrait en blouse de peintre interroge le présent en se souvenant du futur. Le passé ne passe pas. Il longe.
Mais là n’est pas la peinture. Elle est ailleurs. Dans la géométrie énigmatique de la composition et dans la gamme colorée qui échappent toujours à la narration.
Elle est inénarrable. C’est la présence fortuite d’une absence avérée, comme ce petit nuage rose.