Crépuscule en trio, 80/60 cm, 2016.
Crépuscule en trio, 80/60 cm, 2016.

Par moment, certains chats possèdent plus que d’autres une puissance d’attraction égale à la crainte qu’ils provoquent. L’incendie du ciel au crépuscule pourrait être aussi celui d’une terre, d’un feu de forêt attisé par le vent dont témoigne le rideau pris dans un courant d’air. La jeune femme interroge dans sa nudité en suspens la menaçante sphère noire à ses pieds. Une fois achevée seulement, car en travaillant, je n’y ai pas songé un seul instant, je me suis aperçu qu’il y a quelque chose dans cette toile qui me fait penser au Saint Georges terrassant le dragon de Paolo Uccello, sauf qu’ici le dragon serait pour le moment contenu dans cette boule noire, énigmatique sécrétion d’un inadvertance anthropologique pouvant annoncer notre disparition sur cette terre. Quant au chat, ironique veilleur de foudre, son regard est sa lance pointée sur le nôtre.

Sonate d'automne, 65/54 cm, 2016.
Sonate d’automne, 65/54 cm, 2016.

La peinture a toujours eu une puissante relation avec Éros. Sa fonction érotique est légendaire. On raconte que c’est une jeune fille, vivant à Corinthe au IVe siècle avant JC, qui inventa la peinture. Éperdument amoureuse d’un homme qui devait la quitter pour un long voyage, elle résolut, dans la chambre éclairée par un cierge qui les marquait à ses yeux, de tracer au charbon de bois, sur le mur derrière son amant, les contours de son visage et de son corps. Après Constantin, le christianisme a développé l’amour « agapé » au détriment de l’amour « éros ». Les premiers nus « érotiques », dans la peinture occidentale n’apparaissent qu’au début du XVIe siècle, avec Dürer et Cranach. Aujourd’hui, malgré la profusion envahissante des images photographiques, érotiques et pornographiques, les mêmes « sujets », traités en peinture, sont toujours considérés comme « choquants les bonnes mœurs ». Ce constat suffirait à prouver, en ce domaine, la suprématie de la peinture sur la photographie. La raison de cette puissance érotique de la peinture serait-elle liée à la nature manuelle et progressive de ses réalisations, qui traduit, mieux que le clic de l’appareil photographique, la réalité croissante du plaisir charnel ? La peinture, « cosa mentale » selon Léonard de Vinci, s’inscrit dans la durée, dans la présence d’une absence et non dans le temps d’une disparition annoncée.

 

 

Notes d’atelier, 2016.

Six objets sur la table, 73/60 cm, 2015.
Six objets sur la table, 73/60 cm, 2015.

J’ai mis longtemps à achever cette toile. J’étais prisonnier du réalisme lumineux du lieu où je l’ai peinte. Un coin de l’atelier aux murs blancs, enfin, presque blancs. Il y avait aussi un fragment en perspective du Paradoxe de Mondrian dans le coin gauche en haut. Ça ne « marchait » pas du tout. L’attention du regard était égarée. Mais cela venait également du fait que, sans doute pour la première fois, je peignais les objets « grandeur nature ». C’était là l’important. Alors le gris du fond est venu. Il donnait tout son sens à la composition comme à la présence des choses. Trois objets manufacturés anciens, et trois objets d’origine végétale en cours de dessiccation. Le septième élément identifiable étant la table sur laquelle ils s’étaient rassemblés pour fomenter le complot qui m’avait égaré pendant des mois. La toile était enfin achevée. La magie abstraite des formes et des couleurs « dans un certain ordre assemblé » est alors apparue, à l’insu de ma volonté. D’autre part, la mise en évidence des sept choses sur cette toile, renvoie à la signification symbolique du 7 qui est, dit-on, le chiffre de la recherche, de la solitude et du renoncement au superflu.

Notes d’atelier, 2015.

Matin neuf, 81/65 cm, 2015.
Matin neuf, 81/65 cm, 2015.

Matin neuf,

Pourquoi sommes-nous si avares en émerveillement devant la nouveauté de chaque matin ? Et comment rendre compte de ce miracle que nous fuyons souvent, écrasés par la pesanteur de nos habitudes, de nos soucis ; soumis aux troubles de nos sommeils insatisfaits. Me rendre à l’atelier à l’aurore. Chercher à peindre chaque jour. Me tromper souvent. Effacer. Rester à la hauteur de la banalité des apparences figurées. Recommencer. Chercher à témoigner de la magie au cœur d’une abstraction de formes et de couleurs sur la surface limitée de la toile. Occupation de vieil enfant ? Écouter la musique des relations, des tensions, des conflits. Serrer la gamme des valeurs colorées pour peindre ces conversations silencieuses entre les choses manufacturées, les végétaux promis au sec et la savoureuse présence d’un dos de femme accueillant un matin neuf…

 

Notes d’atelier, 2015.

La rose de novembre, triptyque, 45/38,45/33, 45/38 cm, 2015.
La rose de novembre, triptyque, 45/38,45/33, 45/38 cm, 2015.

La rose de novembre

Le 13 novembre 2015, une rose séchait lentement dans un petit vase… par deux fois, j’en ai témoigné. Une bougie, alors, entre elles s’imposa. Elle permit ce petit triptyque.