Anaïs au corsage blanc, 73/54 cm, 2015.
Anaïs au corsage blanc, 73/54 cm, 2015.

Le portait en peinture n’est pas seulement la recherche d’une stricte ressemblance visuelle. Il implique une relation entre le peintre et le modèle ; relation qui s’établit pendant toute la durée des poses. Ce qui n’est pas forcément le cas dans le portrait photographique. Ce fait signifie que tout portrait en peinture est aussi, plus ou moins, un autoportrait. Mais il n’est pas que cela bien sûr, car, au cœur de cette relation singulière, ne cesse d’avoir lieu ce qui appartient en propre au tableau, c’est-à-dire sa composition, ses équilibres, ses lignes de force et de valeurs colorées. Dans ce portrait d’Anaïs au corsage blanc, chaque élément identifiable avec des mots, y compris la forme de l’espace vide qui l’entoure, doit contribuer à l’expressivité et à l’intériorisation du visage, et particulièrement du regard. Le vrai sujet du portrait en peinture est bien l’intériorité du modèle plutôt que son apparence extérieure.

Dans la longue histoire de la peinture, le thème du « peintre et son modèle » est très fréquent. Ici, le titre de cette toile, « Le modèle et la main » inverse le propos. Le modèle est premier et non pas le peintre dont on ne voit qu’une partie du corps, le bras et la main en train de peindre. Ce choix témoigne d’une attitude tout en répondant à des exigences propres à la composition du tableau. Quelle attitude ? Une attitude qui tend à s’effacer devant ce que l’on voit pour aborder ce que l’on voit comme lorsqu’on était enfant, sans préjugé et sans intentions. Bref, d’avoir un regard neuf qui seul peut nous permettre d’accéder à une présence de la réalité. Cela suppose un effort d’attention à ce que montre le tableau en amont ou au-delà de la description avec des mots, où intervient le savoir, les références, les « ça me fait penser à untel ou à untel », etc. Le tableau se donne à voir dans le langage propre à la peinture : la composition, les formes, les couleurs, les hauteurs des tons entre le clair et l’obscur, les rythmes, les vides et pleins…On ne peut pas aller à la rencontre de l’inconnu à partir du connu. Quand je commence une toile, je dois faire le vide en moi pour recevoir ce qui s’offre à mon regard et en percevoir le caractère unique. Je dois me laisser peindre et devenir peinture. Mais il n’y a pas de recette. Ça ne marche pas à tout coup !

Le modèle et la main, 65/54 cm, 2015.
Le modèle et la main, 65/54 cm, 2015.

La corbeille d'osier, 55/46 cm, 2015.
La corbeille d’osier, 55/46 cm, 2015.
J’ai souvent dit et écrit que la peinture était la présence d’une absence.
Cette présence raconte. C’est un récit sans les mots.
Dans cette toile de 55 sur 46 cm, on voit une corbeille d’osier.
Elle est posée sur une étagère placée à la hauteur du regard.
Elle est remplie de fruits séchés avec une petite citrouille encore comestible.
Parmi les fruits secs, une grenade qui ricane.
C’est tout.
La gamme des couleurs est serrée.
Derrière les choses, le mur est gris vert sombre.
Que raconte cette vie silencieuse ?
Le récit qu’elle propose m’évoque l’annulation du temps linéaire
dans l’espace d’une expérience de dépouillement mélancolique.
En musique, c’est le propos d’Éric Satie.