Dans la longue histoire de la peinture, le thème du « peintre et son modèle » est très fréquent. Ici, le titre de cette toile, « Le modèle et la main » inverse le propos. Le modèle est premier et non pas le peintre dont on ne voit qu’une partie du corps, le bras et la main en train de peindre. Ce choix témoigne d’une attitude tout en répondant à des exigences propres à la composition du tableau. Quelle attitude ? Une attitude qui tend à s’effacer devant ce que l’on voit pour aborder ce que l’on voit comme lorsqu’on était enfant, sans préjugé et sans intentions. Bref, d’avoir un regard neuf qui seul peut nous permettre d’accéder à une présence de la réalité. Cela suppose un effort d’attention à ce que montre le tableau en amont ou au-delà de la description avec des mots, où intervient le savoir, les références, les « ça me fait penser à untel ou à untel », etc. Le tableau se donne à voir dans le langage propre à la peinture : la composition, les formes, les couleurs, les hauteurs des tons entre le clair et l’obscur, les rythmes, les vides et pleins…On ne peut pas aller à la rencontre de l’inconnu à partir du connu. Quand je commence une toile, je dois faire le vide en moi pour recevoir ce qui s’offre à mon regard et en percevoir le caractère unique. Je dois me laisser peindre et devenir peinture. Mais il n’y a pas de recette. Ça ne marche pas à tout coup !